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02 mars 2008

Premiers pas, premières impressions

Pour ce post, c’est une amie, avocate stagiaire qui exprime son étonnement face à sa première expérience du système pro deo.

A lire pour comprendre ce qui suit

L’aide juridique de deuxième ligne, anciennement dénommée prodeo, est un service offrant l’assistance d’un avocat de manière gratuite ou partiellement gratuite aux personnes ayant peu de revenus. Après s’être inscrits à l’Ordre, les avocats doivent accomplir un stage pendant trois ans. Les avocats stagiaires sont regroupés en « colonnes » aux réunions desquelles ils sont tenus d’assister pendant les deux premières années de leur stage. Ces réunions se tiennent au Bureau d’aide juridique (BAJ) auquel se rendent les personnes qui demandent l’assistance d’un avocat.

Quel ne fut pas le stagiaire impressionné par ses propres pas résonnants sur le sol glacé de la Salle des Pas Perdus [hall d’entrée du Palais de Justice faisant office de vestibule?

Glacée : telle est aussi la qualification que je pourrais donner à ma première réunion de colonne. Arrivant tant animée de curiosité que de détermination, je me suis heurtée à un désintérêt ambiant. A peine entrée dans la pièce, je remarquai rapidement l’intérêt débordant pour la peinture du plafond. J’essayai de comprendre ce manque de motivation en écoutant d’une oreille – que je tentais compréhensive – les récriminations de mes nouveaux confrères.

Dépit et interrogations : où était donc passé l’idéal d’entraide et d’accès à la justice qui – pensais-je naïvement- animait tout jeune stagiaire ? Sacrifié sur l’autel de la rentabilité ? du profit ? ou simplement un désintérêt profond de la cause ? Tout était en place pour le début du spectacle : un semblant de décor, un déguisement aux allures de solennité. Malheureusement, les acteurs n’avaient pas encore appris à simuler.

Les justiciables comprenaient vite qu’ils avaient affaire à des novices. Imaginez la scène : une quinzaine de jeunes stagiaires assis côte à côte, un avocat expérimenté – le chef de colonne – dont le rôle est de tenir la consultation et face à cette confrérie : le justiciable devant expliquer son problème juridique et justifier de ses faibles revenus pour obtenir l’assistance d’un avocat. Déjà fragilisées par leurs positions de faiblesses, je n’ose imaginer l’humiliation que ces personnes doivent endurer à expliquer leurs problèmes devant une quinzaine d’inconnus affichant un total désintérêt.





Je tentai d’identifier les responsables de cette pitoyable mise en scène. Deux facteurs pourraient être pointés du doigt. En premier, une conception erronée de la profession d’avocat. Celui qui se vante de travailler pour un important cabinet mais qui ne verra jamais la couleur d’un tribunal peut-il porter le titre d’avocat ? Une distinction et un choix s’imposent : distinction quant aux personnes relevant de la profession d’avocat, choix de la part du jeune premier quant à l’exacte profession qu’il désire embrasser. Que celui dont le métier relève d’avantage de conseiller juridique soit traité comme tel. A juste titre, ce dernier refusera catégoriquement qu’on lui impose des obligations telles les cours CAPA [Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat] ou la participation à l’aide juridique. Quant aux autres… les vrais, ais-je envie de préciser. Le stage ne doit-il pas être considéré comme un complément indispensable à la formation universitaire ? Plus qu’un devoir, l’aide juridique n’est-elle pas une opportunité rêvée de se poser en tant que citoyen responsable ?

En second lieu, j’aimerais interpeller mes confrères pour qui les labyrinthes du Palais de Justice n’ont plus de secret. Ne serait-ce pas à vous de former les jeunes stagiaires en revalorisant ce service public et en leur rappelant que la fonction de l’avocat est avant tout la défense de la justice pour tous ?

Peut-être les échos d’une jeune stagiaire ne feront que susciter haussements d’épaules et sourires en coin ? Au mieux, une remarque désabusée : « encore une idéaliste ». L’argument selon lequel la situation dure depuis des années, est-il une justification satisfaisante? Conservatisme n’a cependant jamais rimé ni avec justice ni avec progrès social. Je n’ai pu constater qu’une situation humiliante pour les justiciables ainsi qu’un désintérêt général pour la défense de nos concitoyens.

Alors, je me permets de poser la question : à qui incombera la défense de l’accès à une justice de qualité si même les novices en toge n’y croient plus ?